Reflet – Faites le vôtre

"On a l'impression de traverser un tajine", dit Scotty, en faisant référence à l'emblématique marmite en terre cuite qui délivre notre repas du soir ici au Maroc. C'est peut-être l'argile rouge vif sur laquelle nos pneus sont maintenant en train de laisser leur trace, ou peut-être simplement la chaleur torride de midi qui inonde nos maillots de sueur - ou très probablement une combinaison des deux - mais dans tous les cas, l'observation de Scotty ne semble pas loin de la réalité : pour ma part, c'est comme si je cuisinais.

Nous agrippons notre guidon dans les descentes, passons des talus naturel, et dégringolons pour traverser des mini vallées qui, ensemble, forment une sorte de pumptrack naturel, pour une sortie épique de quarante kilomètres qui a débuté à l'aube par une ascension de 1000 m de dénivelé, avant de terminer à notre hébergement, un Riad situé au milieu des contreforts vallonnés en forme de four des montagnes de l'Atlas. Lorsque nous franchissons ses portes et posons les yeux sur sa piscine, changer d'abord de short ne devient même pas une option. En plongeant dans l'eau fraîche, ma tête passe du tajine à la glace en quelques secondes, et ça fait du bien.

Depuis que j'ai roulé ici pour la première fois en 2006, lors d'une semaine de bikepacking en autonomie entre des villages reculés, les imposantes montagnes de l'Atlas sont devenues ma destination favorite pour des aventures accessibles. La riche culture du Maroc, ses paysages colorés, ses coutumes religieuses tolérantes et l'accueil de la population rendent le pays attrayant pour tous ceux qui ont un simple goût pour l'aventure. Ajoutez à cela la myriade de sentiers muletiers des montagnes de l'Atlas à seulement une heure de route de l'aéroport de Marrakech, et la capacité de communiquer même si vous n'êtes armé que de rudiments de français et que vous avez une aventure facile d'accès et accessible servie dans une assiette. Ou peut-être dans un tajine.

Je suis donc de retour, mais cette fois-ci, je suis venu avec quatre autres coureurs de chez Pro Bike Gear : Scotty Laughland, Monika Buchi, Stefan Garlicki et Sharjah Jonsson. Tous découvrent le Maroc, et ils sont avides de ses saveurs, et tous apportent leurs propres compétences pour parcourir le paysage qui nous accueille. C'est peut-être la cinquième fois que je viens au Maroc, mais grâce à leurs propres découvertes, j'espère que mes propres yeux s'ouvriront encore plus pour approfondir ce que ce pays incroyable a à offrir : je n'ai pas besoin d'attendre longtemps.

Nous retrouvons Lahcen, le vieil ami et guide local de VTT, dans un café en pierre perché sur un col surplombant le village endormi d'Imlil. Juste au sud de notre position, un monstre de 4167 m d'altitude, le Toubkal, le plus haut sommet du Maroc, s'avance majestueusement et brutalement vers le ciel. En sirotant du thé à la menthe sucré, nous parlons du bon vieux temps et apprenons comment, au cours des deux dernières années, le tourisme, pourtant vital pour le village, a été mis fortement ralenti par la pandémie. Et puis, boostés par le thé sucré et une bonne énergie collective, nous reprenons nos vélos pour nous lancer sur un sentier sinueux et fuyant, qui serpente à travers une forêt de pins ombragée. En me plaçant à l'arrière du groupe et en regardant à travers le nuage de poussière soulevé par les dix pneus qui me précèdent, je peux à peine distinguer les silhouettes des coureurs coupant les trajectoires dans des virages serrés ou sautant sur des rochers - des figures auxquelles je n'aurais jamais pensé sur une descente au Maroc.

Nous dégringolons du sentier cinq cents mètres plus bas, en souriant et en se tapant dans la main, l'air rempli d'excitation et de réflexion. Le sentier que nous venons de parcourir est un ancien sentier muletier menant au col. Piétiné quotidiennement par des dizaines de sabots, il est à des années lumières de la création d'un bike park, et si l’électricité du groupe doit passer, c’est plus qu’une descente amusante. Mais comment se comporterait-il si nous le nettoyons un peu, peut-être en ajoutant un peu plus de fluidité dans les virages gênants ? Lahcen est d'accord. “Les mules et les tempêtes font des ravages”, dit-il Des sentiers comme celui-ci représentent son pain et son beurre, et il est plus qu'heureux de travailler dessus. Après tout, une meilleure expérience à vélo, ça veut dire des touristes à vélo plus heureux.

Nous reprenons la piste tôt le lendemain avec Lahcen et ses collègues Mohamed et Houssain, armés d'une dizaine d'outils et d'un appétit pour la sueur. La poussière assombrit le ciel pendant qu'une armée de vététistes laborieux ratisse, pelle et libère les rochers des trajectoires, jusqu'à ce que le véritable potentiel de la piste se montre au jour. Au cours de la journée, nous échangeons des notes sur les styles de pilotage et les choix de trajectoires, nous débattons de la différence entre le nettoyage normal de la piste et un nettoyage excessif et, plus important encore, des vertus du thé à la menthe sucré par rapport au thé à la menthe non sucré.

Et au cours des jours suivants, nous partageons encore plus de rires, de sorties et d'expériences, alors que Lahcen nous emmène plus loin d'Imlil. À la fin du séjour, je peux voir les traces laissées par le Maroc sur les visages de mes compagnons de route. Ils se sont aventurés dans l'inconnu et ont trouvé des récompenses : le réveil à l'appel à la prière chaque matin, des parties à vélo très raides pour atteindre des sentiers plus sauvages et plus éloignés, le ratissage des rochers sur une colline marocaine, et la découverte de la chaleureuse hospitalité de nos hôtes qui nous ont accueillis chez eux pour un dîner en famille, où bien sûr, nous nous sommes régalés du meilleur tajine que j'aie jamais goûté.